Quand la joie devient un acte de résistance : retour sur notre soirée Stand-up pour des droits menstruels

Aylin Sari
·
10 juin 2025

J'écris cet article en étant toujours sur mon nuage, pourtant cela fait 10 jours que la soirée est passée. Un baptême de feu pour moi, nouvelle membre de l'équipe de Dignité Mensuelle depuis 1 mois seulement.

L'événement s'est tenu le vendredi 30 mai à 19h et a été très justement nommé Des rires éternels pour des droits menstruels, reflétant parfaitement la façon dont la joie peut servir d'outil d'activisme. Il s'inscrivait dans le cadre de la Journée internationale de la santé menstruelle (28 mai). Cette date symbolique nous rappelle l'urgence de combattre la précarité menstruelle, affectant des millions de personnes à travers le monde. Une problématique perpétuée par des tabous sociaux qui servent trop souvent à maintenir des rapports de pouvoir inégalitaires.

Cette journée étant la plus importante pour notre organisme, l'équipe n'a pas lésiné sur les moyens. À l'affiche, trois humoristes exceptionnelles : Raajiee Chelliah, Emna Achour et Eva Alexopoulos en tête d'affiche et MC, ainsi que la plus cool des DJ, Gwinestefani, le tout à la Sala Rossa. Vous comprenez ma surprise ? Pour un organisme à but non lucratif relativement jeune, j'ai trouvé ça fou de mettre autant le paquet. Pourtant, la vision était juste.

Environ une centaine de personnes était au rendez-vous. Oui, nous avons fait full house à la Sala Rossa !

La soirée s'organisait autour d'une programmation bilingue soigneusement orchestrée. Après les discours d'ouverture touchants de Clara et Hailey, nos co-directrices, Raajiee Chelliah a ouvert les performances avec sa tordante nonchalance, partageant ses expériences personnelles comme le dating en dehors de sa culture. Emna Achour a pris le relais en français avec un set profondément féministe. Puis est venu un moment particulièrement mémorable, celui du Quiz où deux personnes non menstruées ont tenté de répondre aux questions d’une membre de notre équipe, transformée en professeure de santé menstruelle intransigeante pour l'occasion. Les personnes menstruées se sont fait un malin plaisir de rectifier leurs réponses ! Enfin, Eva nous a vraiment gâtées : en plus d'avoir été une MC captivante toute la soirée, elle a clôturé les performances avec 30 minutes de confidences hilarantes.

Nous avons aussi organisé un tirage au sort avec des prix offerts par nos partenaires : Librairie Zone Libre, Dispatch, Beaver Tail, Modo Yoga, Spin Énergie et Cinéma du Parc. Avec un cadeau bonus d’Eva Alexopoulos qui offrait des billets pour le Kickback comedy club. À ce moment, il fallait protéger ses tympans des cris stridents des heureux-ses gagnant-es ! Mais le moment qui m'a le plus marquée, c'était notre jeu de clôture Finish the lyrics qui s'est tout naturellement transformé en chants à l'unisson et en piste de danse.

Bref, une soirée mémorable qui a aussi permis de récolter des dons qui ont dépassé nos attentes. La générosité des participant-es continue de nous émouvoir et nous permettra de poursuivre et d'amplifier notre mission.  

Mais au-delà de ces résultats concrets, une ambiance particulièrement chaleureuse se faisait ressentir et j'éprouvais la sensation d'être à ma place, de faire partie d'une communauté. Et visiblement, ce sentiment était partagé.

Nelly, une participante, nous a confié : “J’ai passé une superbe soirée en compagnie de toutes ces personnes incroyables. Je ne pensais pas rire autant. L'ambiance était tellement bon enfant et bienveillante que j'avais l'impression d'être entourée uniquement de mes copines. J'ai particulièrement apprécié les différentes animations qui ont eu lieu tout au long de la soirée et qui l'ont fait passer en un clin d'œil (la MC, les shows d'humour, le quiz, le tirage au sort). Je reviendrai pour les prochaines dates !”

Puis, Loélia, une autre participante : "Engagée sur les questions féministes, c’était tout naturel de participer à cette soirée organisée par Monthly Dignity. L’idée, au départ, c’était de soutenir la cause. Le stand-up, bien sûr, c’est un plaisir ; mais ce qui comptait vraiment, c’était de contribuer à leur mission. (...) Mais ce soir-là, accompagnée d’une amie, c’est bien plus qu’un événement militant que j’ai découvert. L’ambiance était douce, accueillante, inclusive, un véritable safe space. (...) Les humoristes étaient formidables, drôles, touchantes, engagées. Elles ont performé en français et en anglais, pour que chacune puisse se sentir à l’aise. À travers les rires, il y avait aussi une solidarité très forte. Peut-être qu’on ne peut pas faire tomber tous les tabous en une seule soirée… mais on peut déjà se soutenir, et amplifier le message ensemble. Si d’autres soirées comme celle-là sont prévues, une chose est sûre : je serai là."

Cette création d'un espace rassurant et joyeux constitue un acte politique en soi et c'est exactement en cela que l'utilisation de la joie comme outil d'activisme prend tout son sens (1). Comme le théorisent des chercheuses comme adrienne maree brown, la joie permet de construire cette confiance mutuelle nécessaire à l'action collective (2). Célébrer nous galvanise et nous donne de l'espoir.

Ou comme l'ont si bien résumé les mots d'ouverture de Hailey : "Ce soir, il s'agit de dignité — mais aussi de joie. Parce que même si nous nous battons pour l'équité, même si nous portons le poids de vérités difficiles, nous faisons aussi place au rire, à la célébration, à la connexion. Cela aussi, c'est de la résistance."

Cette soirée m'a rappelé pourquoi la mission de Dignité Mensuelle me tient tant à cœur et m'a donné encore plus envie de continuer à la servir. J'aime à croire que nous avons réussi à partager cette énergie aux personnes présentes.

C’est ainsi que je peux dire que activisme et joie ne sont pas antinomiques. Au contraire, ils se renforcent mutuellement pour créer des communautés résilientes et des changements durables.